Hélène Chouteau - Octobre 2006
Belles et Politiques.
Captées dans la continuité de l’espace et du temps réels, les photographies de Claire Chevrier et de Lidwien Van de Ven puisent leurs motifs dans l’observation des activités et de l’existence des hommes, des mots qu’ils inscrivent dans l’espace public et des traces qu’ils martèlent au paysage.
Les photographies de Claire Chevrier et de Lidwien Van de Ven s’apparentent à ce que Jacques Rancière a défini comme une double poétique de l’image: «(la photographie est devenue un art) en faisant de ses images, simultanément ou séparément, deux choses: les témoignages lisibles d’une histoire écrite sur les visages et les objets et de purs blocs de visibilité, imperméables à toute narrativité, à toute traversée du sens.»
Pour Claire Chevrier et Lidwien Van de Ven, l’investigation du réel ne peut se délier d’une réflexion visuelle et d’une mise en forme approfondies. Objets autonomes par leur statut et leur délimitation, leurs prises de vue sont documentaires. Blocs de résistance (passive) à toute lecture directive, elles sont rétives aux interprétations explicites et univoques. Leur présence visuelle induit une poétique qui relève de la littérature, de l’essai et de la cinématographie.
«Toute ville reçoit sa forme du désert auquel elle s’oppose», écrit Italo Calvino dans ses Villes Invisibles. Entre 2000 et 2005, Claire Chevrier réalise un corpus d’images réalisées dans les mégapoles mondiales aux densités de population très élevées (plus de dix-huit millions d’habitants) et qui comportent un front maritime : Hong Kong, Bombay, Rio de Janeiro, Le Caire, Lagos, Los Angeles. L’artiste quadrille ces villes et en parcourt tous les quartiers, pauvres, riches, résidentiels, bidonvilles, sans visées anthropologiques, seulement comme on explore un champ de visibilité, à hauteur humaine.
Dans les images regroupées sous l’appellation Paysages-Villes, Claire Chevrier situe ses prises de vue dans les zones périphériques, là où la nature frôle la ville. Les constructions sont plantées, comme des forteresses triomphantes et opposées au désert et à la sauvagerie des friches qui les entourent. Claire Chevrier arase de ses images toutes les traces d’anecdotes ou de pittoresque. Nous perdons la reconnaissance typique et la localité de ces vues. Les images de Claire Chevrier sont toutes et aucune ville à la fois. Nulle part, sans ancrage territorial. L’artiste saisit ces espaces urbains construits sous les directives d’une globalisation qui normalise le monde en fonction de spéculations économiques. L’observateur y perd ses repères.
Au loin, ou en arrière plan du paysage, ces tours et ces buildings érigés en «skyline», revêtent des allures de fictions.
Pour traduire la puissance de la violence, Jeff Wall procède à une «mise en crise de l’image»(selon Jean-François Chevrier). Ses photographies affichent une trace ou un résultat de violence dont la source est hors champ. Les paysages de Claire Chevrier sont en crise, altérés par les indices d’une violence contemporaine qui sourde à leurs apparences.
Paysage-Villes, Hong Kong, est construite suivant des perspectives brumeuses qui rappellent les peintures de paysages traditionnelles chinoises. Cette vision idéale est vite perturbée lorsqu’on réalise que ces nuées vaporeuses sont les manifestations de la brume ajoutée à l’épaisse pollution qui recouvre la ville d’un nuage opaque. La vue de Bombay pourrait rappeler quelques jardins idéaux peints par le Douanier Rousseau ou quelques tableaux orientalistes du début du siècle évoquant une contrée lointaine où «luxe, calme et volupté» s’épanouissent à merveille. Vision hédoniste, elle est pourtant habitée par des silhouettes et une construction improvisée en bois, au premier plan.
Ici, ruralité et urbanité sont acculées l’une à l’autre.
L’exode urbain est le seul mode d’existence possible pour certaines populations poussées à vivre aux abords des mégapoles. Ces détails sont ce qui ramène ces images à une réalité concrète contemporaine. À propos de certaines images de Jeff Wall, Jean-François Chevrier précise que les détails, les petits gestes, les petites actions sont une forme picturale de conscience politique.
Dans ces lieux que décrit Claire Chevrier, se jouent et se mêlent desconflits d’altérités et de colonisations réciproques. «… On se demande si la véritable passion de Léonie est vraiment, comme ils disent, le plaisir des choses neuves et différentes, ou si ce n’est plutôt l’expulsion, l’éloignement, la séparation d’avec une impureté récurrente», poursuit Italo Calvino à propos d’une mégapole fictive qu’il affuble d’un prénom féminin. Les hommes qui habitent aux marges économiques ou urbaines des mégapoles sont astreints à consacrer tout le temps de leur vie à des stratégies d’adaptation et de survie. Pour la mégapole moderne et triomphante, le pauvre, le paria, souvent issu du monde rural, est une altérité colonisatrice à exclure pour maintenir la cité dans son état civilisé. Pour le paria, condamné à l’étrangeté sur son propre territoire, la ville aux expansions pléthoriques est un projet de société colonisant dont il est historiquement et existentiellement l’exclu.
Une autre typologie d’images regroupées sous l’appellation Paysages + Constructions a été réalisée par Claire Chevrier dans ces mégapoles.
L’artiste resserre ici son point de vue. Elle se rapproche de la ville et de son centre. Les constructions sont des architectures réduites à leur seule dépouille fonctionnelle anonyme, elles sont identifiables les unes aux autres: un pont enjambant une autoroute à Lagos (un mur barre la visibilité des véhicules), une Chinatown en carcasses à Los Angeles, des immeubles réduits à leur fonction d’habitat (murs, plafonds, fenêtres empilés) au Caire, un rivage de fleuve où se conjuguent présences de détritus et de résidus de construction à Bombay.
Jalal Toufic écrit à propos des reconstructions de Beyrouth qu’un nouveau bâtiment construit sur une ruine, est lui-même une ruine. Les Villes + Constructions de Claire Chevrier sont bâties sur les ruines d’un plan global économique qui produit lui-même ses expansions proliférantes qui l’entraînent à sa perte. Ces bâtisses portent en elles l’échec du projet qui les a engendrées, elles sont des ruines avant même d’avoir existé.
Après les guerres civiles du Liban, des affrontements entre factions se déroulaient dans les souterrains des ruines gardées par des snipers, selon ce qui est cité par Michel Lasserre et Paola Yacoub, comme une «Low Intensity War». «Une guerre de faible intensité». Les habitants des mégapoles sont les survivants d’une guerre non déclarée, une guerre économique sous-jacente dont les victimes sont là, dans les ruines d’un dessein social et politique qui ne les entend pas. La guerre, ses prémices, ses traces et sa mémoire sont des thèmes récurrents de l’œuvre de Claire Chevrier. L’artiste convoque ces guerres invisibles, réelles et latentes, dont les réminiscences et les conséquences résonnent encore à notre existence contemporaine: des «guerres sans nom» pour citer Bertrand Tavernier. L’image du Vercors, prise d’avion, dans les alentours des grottes de Vassieux, hauts lieux de Résistance de la Deuxième Guerre mondiale, en est une des manifestations. «Tous ces travaux parlent d’une même inquiétude» confirme l’artiste, pour poursuivre «une vue d’une autoroute à Bombay qui enjambe un bidonville est de la même violence que mes images sur la Guerre de 14.» Les images de Claire Chevrier organisent des pans de visibilité et d’invisibilité souvent donnés par la présence de murs ou de frontalités qui suggèrent un face-à-face avec la mort.
Prolongeant son traveling dans les villes mégapoles, l’artiste «se déplace de l’échelle de la très grande structure urbaine à l’observation précisément, de l’espace dédié à l’homme dans toutes ses activités […] » dit-elle. Elle explore des «espaces intermédiaires où les hommes sont très souvent en train de travailler: déplacements, ventes à la sauvette, échoppes, taxis, porteurs… ». «Maracana»- Rio (2002), «Travail 04»- Laveurs de tapis- Bagdad (2002) anticipent une série sur les postures du corps dans l’espace du travail, un corpus d’images que Claire Chevrier réalisera à Romans et sa région en 2005.
Les images de Claire Chevrier sont des tableaux d’époque, des vues et des scènes de genre qui puisent leurs sources formelles dans une tradition picturale (naturaliste ou paysagère) qui remet au jour, les rapports entre l’étude, l’observation et la composition qui sont constitutifs de l’histoire de la peinture. «Mes images sont des espaces mentaux de représentation» précise-t-elle. Picture for Womende Jeff Wall (1979) en est une des références. Les images de cette série confirment l’affinité de l’artiste avec l’espace scénographique. Les figures (les personnages) y sont situées derrière un seuil, celui de l’image, celui de la scène qui se joue.
Hannah Arendt propose « le terme de vita activa pour désigner trois activités humaines fondamentales: le travail, l’œuvre et l’action. Le travail est l’activité qui correspond au processus biologique du corps humain […]. L’œuvre est l’activité qui correspond à la non-naturalité de l’existence humaine […]. L’action est la seule activité qui mette directement en rapport les hommes, sans l’intermédiaire d’objets ni de matières, correspond à la condition humaine de la pluralité, au fait que ce sont des hommes et non pas l’Homme, qui vivent sur Terre et habitent le monde. […] cette pluralité est spécifiquement la condition […] de toute vie politique.» Elle expose comment, relégué à l’époque antique, dans l’obscurité de l’espace de la domesticité (esclavage), le travail trouve sa glorification dans l’époque moderne. Les images de Claire Chevrier sont constituées de plans où alternent lumière (naturelle ou artificielle) et obscurité, espaces ouverts et lieux clos. Au-delà d’une réification, ou encore d’une démarche de compassion ou de revendication, l’image du travail est présentée par Claire Chevrier, dans la suite des photographies sur les mégapoles, comme une réflexion sur l’individualité et la singularité dans la communauté. Les personnes sont alternativement seules ou en groupe, absorbées par leurs tâches ou par leurs paroles échangées. Par la pensée et la concentration, elles semblent échapper à la contrainte qui les attache à leur poste. Hannah Arendt distingue «l’œuvre de nos mains, par opposition à l’acte de notre corps». Claire Chevrier met en évidence le geste (bien) accompli. La pensée et le savoir-faire individuels semblent participer à libérer le travail de son aliénation à sa seule fonction de survie corporelle. L’artiste émancipe l’éthique de l’acte de travail vers une éthique de l’acte de création. Contrôle, fatigue, absorption, expression, violence sociale, tous les registres du monde du travail comme image du monde dans son entier sont ici évoqués.
Les photographies de Claire Chevrier affichent ostensiblement leur silence. «La protestation commence par un silence partagé à plusieurs» écrit Christa Wolf. L’ensemble des corpus de photographies rassemblés pour cette exposition pose une formidable parabole de la question inhérente à l’existence de l’Homme : s’adapter ou se révolter. Selon Giorgio Agamben, «Bartleby, c’est-à-dire un scribe qui ne cesse pas simplement d’écrire, mais le "préfère ne pas", est la figure extrême de cet ange qui n’écrit rien d’autre que sa puissance de ne pas écrire». Les figures au travail de Claire Chevrier usent de leur puissance de faire ou de ne pas faire (bien) leurs gestes. L’artiste est incarnée par Agamben par Glen Gould, celui qui «est le seul qui peut ne pas jouer, et, en appliquant sa puissance non seulement à l’acte, mais à sa propre impuissance, joue, pour ainsi dire, avec sa puissance de ne pas jouer.»
L’acte de création est une composante de l’acte de liberté. La puissance du faire et du ne pas faire, du penser ou du ne pas penser, se retourne sur une éthique politique plus générale à appliquer à l’homme pensant le monde, faire ou ne pas faire, résister ou ne pas résister.
Pour Gilles Deleuze: «Une information est un ensemble de mots d’ordre. Quand on vous informe, on vous dit ce que vous êtes censés croire. L’information c’est le système de contrôle. […] l’œuvre d’art ne contient strictement aucune information, c’est une contre information comme mode de résistance.»
Dans cette exposition, les images de Lidwien Van de Ven, de formats monumentaux, se présentent sous forme d’affiches noir et blanc collées directement sur les murs. Si elle investit des sujets d’actualité forts (religion, violence, instances de décision, histoire, pouvoir), Lidwien Van de Ven se positionne en contre-pied de la logique «d’impact» médiatique en proposant un temps «ralenti» de l’interprétation de l’image. On peut dire que Lidwien Van de Ven use des procédés de la démarche journalistique: «je fais beaucoup de recherches en faisant mes images», dit l’artiste, «je prends connaissance des informations et des discussions sur tous les sujets dans lesquels je suis engagée.»
Lidwien Van de Ven investit les territoires des médias: «je travaille souvent dans les mêmes endroits que la presse, mais ma façon de travailler est différente. J’ai plus de temps et moins de pression, je travaille avec des appareils plus lents, par exemple.» À l’instar des recherches documentaires actuelles, dans le champ du cinéma ou de l’installation, telles que pourrait les concevoir, entre autres, Chantal Akerman, les images de Lidwien Van de Ven affichent une transparence objective, et semblent engager une certaine ethnographie expérimentale tout en cherchant une alternative esthétique, une collision entre récit social et expérimentation formelle.
Selon Jacques Rancière, «les images de l’art sont des opérations qui produisent un écart, une dissemblance» […]«L’image n’est pas l’exclusivité du visible.» « La lisibilité et la reconnaissance ne sont pas mes critères dominants» dit l’artiste. Dans la photographie de reportage courante, l’image reflète soit les conditions de la prise de vue, le dégoût ou l’empathie de l’auteur pour ce qu’il montre ou enfin la proximité de celui-ci avec la mort, lorsqu’il s’agit particulièrement de reportages de guerre. Au contraire, les images de Lidwien Van de Ven affichent un retrait absolu de la trace expressive ou affectée de leur auteure. Elles ne laissent transparaître aucun parti pris de l’artiste rapport aux sujets qu’elle traite. Ce calme froid renforce encore la violence et la terreur qui sont souvent à advenir dans ces photographies.
L’artiste tente de contrer une certaine «pauvreté de langage» qui se dégage de l’avènement pléthorique des images médiatiques. «Leur bourdonnement crée une absence de parole» dit Michel de Certeau. LIdwien Van de Ven propose d’autres protocoles qui ordonnent des champs de visibilité et d’invisibilité silencieuse. Les photographies de Lidwien Van de Ven délivrent peu d’informations. Il s’agit de contraster avec le principe courant qui prétend que plus les choses sont visibles, plus elles sont compréhensibles. Si Lidwien Van de Ven crée des espaces de résistance à l’information, elle ne renonce pas pour autant à solliciter la curiosité du public sur des sujets qui concernent la société actuelle dans ses rapports à l’image. Elle investit les tabous sociaux et politiques, et affronte l’interdit et du refoulement de la mémoire historique. Elle joue avec ce qui peut ne peut pas être représenté ou débattu publiquement. Lidwien Van de Ven tente d’inscrire les significations de ses prises de vues dans une globalité de la réalité du monde qui est donnée à voir ici partiellement, par des fragments captés dans différentes géographies. Ces prises de vues sont organisées selon des axes, des mouvements internes, des champs de vision qui en font de véritables «plans cinématographiques» qui sont régis par différents ordres de luminosités, de mouvements, de fixités et d’énergies. Lidwien Van de Ven sait que son public est influencé par les impacts des images médiatiques. Elle en utilise intelligemment les moyens, tout en menant l’attention du spectateur vers une dimension plus poétique.
Lidwien Van de Ven attise la curiosité du public, mais ne l’assouvit pas. La source ou le dénouement des situations que ces images mettent en présence sont hors champ. Installées dans l’espace et mises en relation les unes avec les autres, les photographies-affiches dessinent une cartographie de fragments visuels qui se constituent entre eux, comme les éléments d’un montage filmique tel qu’aurait pu le penser Jean-Luc Godard, par effet de surgissements, de juxtapositions et de réminiscences. Ce qui compte ce n’est pas seulement l’image elle-même, mais ce qui la lie aux autres. C’est au spectateur de lire ces liens implicites.
Quelles relations pouvons-nous lire dans l’installation que présente Lidwien Van de Ven pour cette exposition?
Kerak, January 18, 2004 est liée à la guerre américano-anglaise en Irak, en 2003. Elle montre des graffitis associant une croix gammée et une étoile de David. Ce type de graffiti peut être trouvé dans de nombreux endroits du Proche-Orient comme expression de la colère contre cette invasion liée à “l’ennemi” Israël.
Paris, March 21, 2005 montre une revendication exprimée dans l’espace public et concernant le droit à l’éducation et à l’égalité.
Téhéran, May 7, 2004 est une image d’un pays où l’on ne produit pas d’images, mis à part celles officiellement diffusées par le pouvoir, et surtout, d’où l’on ne fait pas sortir d’images, en dehors des protocoles institutionnels. La présence des deux silhouettes de femmes voilées, femmes condamnées à l’invisibilité, souligne ce questionnement. L’image de propagande peinte sur la façade du second plan présente la figure d’un chef musulman Bosniaque, en hommage à ceux qui furent les victimes de la guerre en ex-Yougoslavie.
Nanterre, November 7, 2004évoque l’histoire coloniale française en Algérie et la guerre d’indépendance, guerre qualifiée comme telle que très récemment par le Gouvernement, et dont on parlait auparavant comme “les évènements d’Algérie”, “des opérations de pacification”. Le slogan présent sur ce mur depuis 1954 rappelle tout autant les années 60 que les violentes années 90. Ce texte de 1954 résonne dans l’actualité d’autant plus que ce sont les gens du quartier qui ont demandé que ce slogan soit préservé en sa place.
Déléguer la responsabilité de l’interprétation de l’image au regardeur c’est faire appel à un savoir autre, qui n’est pas contenu dans l’icône même: un savoir historique, social et politique.
Lidwien Van de Ven met en évidence différents registres de signes présents dans l’espace public: les images du pouvoir officiel (Téhéran), les images revendicatives de droits légitimes manifestées sous forme de protestations publiques (Paris, manifestations étudiantes) ou bien des traces inscrites dans des espaces d’ordre “privé” (Kérak, Nanterre).
L’artiste rend visibles les signes inscrits dans les strates de la société et qui sont potentiellement, des manifestations de “l’autre”, de “l’étranger”.
Selon Eward Saïd, l’Orient est considéré par l’occidental comme un tout opaque, et le voyageur est celui qui a su passer les limites de l’obscurité. L’Orient a été inventé par l’Occident qui en a fait une sphère homogène, faite de clichés dominants qui relèvent autant du champ politique, ethnique racial, sexuel. L’orientalisme moderne consisterait à déshumaniser cet autre, à ne le considérer qu’à l’aune de statistiques, de faits et de tendances générales, tout en niant sa subjectivité. Voir l’autre, c’est accepter de se voir soi-même. Par leur neutralité et leur insignifiance apparentes, les images de Lidwien Van de Ven acquièrent une proximité banale. Élevées à un format (urbain) qui confronte le spectateur directement à un mur de visibilité, à un corps à corps avec l’image, elles ne représentent pas des lieux, dans l’espace d’exposition, elles sont «les lieux» de l’investigation. Lidwien Van de Ven ramène ses images qui documentent le monde à un «ici et maintenant» où l’autre est aussi bien présent ailleurs que ici là.
Claire Chevrier et Lidwien Van de Ven posent toutes deux leurs images comme les didascalies d’un drame, d’une dramaturgie du monde en suspens. Leurs photographies documentent le monde, sa mémoire et les prémices d’un avenir à vivre ou à prévenir. La responsabilité de l’interprétation des présages qu’elles contiennent, l’affirmation et la discussion de leur lecture historique sont à partager avec la communauté publique. Ces images sont belles et politiques.
Hélène Chouteau
Commissaire de l’exposition, octobre 2006.